Homéopathie : le « kalium bichromicum » en examen

Dans un médicament homéopathique dont on m’a montré la composition, je retiens le nom kalium bichromicum parmi les autres substances présentes dans la composition.

Les mots latins en homéopathie ont une signification précise : ils désignent une substance, qui peut être des extraits végétaux ou animaux, ou des sels métalliques.

Dans un site partisan de l’homéopathie, on peut lire les lignes suivantes. Je les surligne en rouge.

La souche kalium bichromicum est obtenue à partir du bichromate de potassium qui se présente sous forme de cristaux rouge-orangé solubles dans l’eau. Le bichromate de potassium est un produit à l’origine de nombreuses allergies chez les personnes qui le manipulent (industrie du ciment, tanneries, peintures).

Ce médicament peut être utilisé au cours de la grossesse et de l’allaitement. 

Ayant moi-même fait des études en sciences et techniques de laboratoire, je connais bien les fiches techniques des produits chimiques.

Voici déjà l’apparence de ce produit : 

Pour vous faire un résumé de l’idée de ce qu’est le dichromate de potassium, je vous invite à lire l’article de Wikipedia :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Dichromate_de_potassium   et je vous suggère de jeter un oeil sur les pictogrammes oranges relatifs à la toxicité de ce produit abominable, en particulier celui-ci :

T+

Pour les sceptiques, j’ai un document plus convaincant en provenance de l’académie de Nancy-Metz :

http://www.ac-nancy-metz.fr/enseign/physique/Bidon/DechetTP/FDS/dichromate%20de%20potassium.htm

J’en extrais les phrases-clés :
Peut provoquer le cancer par inhalation. Peut provoquer des altérations génétiques héréditaires. Nocif par contact avec la peau. Toxique en cas d’ingestion. Irritant pour les yeux, les voies respiratoires et la peau. Risque de lésions oculaires graves. Peut entrainer une sensibilisation par contact avec la peau. Très toxique pour les organismes aquatiques, peut entrainer des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique.
D’autres données sont inquiétantes :
Autres informations toxicologiques Le chrome(VI) est très toxique. Il est résorbé aussi bien par les poumons que par le tube digestif. Les chromates/bichromates peuvent, en tant qu’oxydants forts, provoquer des brûlures et des ulcères de la peau et des muqueuses ainsi que des irritations des voies respiratoires supérieures. Après pénétration de la substance dans les plaies se forment des ulcères cicatrisant difficilement. Chez les personnes sensibles, la substance provoque facilement une sensibilisation et des réactions allergiques des voies respiratoires (danger de pneumonie !) et des lésions des muqueuses nasales (éventuellement perforation du septum). Après ingestion de la substance : troubles importants au niveau du tube digestif, tels que diarrhées sanglantes, vomissements (pneumonie inhalatoire !), spasmes, décompensation circulatoire, inconscience, formation de méthémoglobine.
La résorption peut provoquer des lésions du foie et des reins. Les composés de chrome(IV) sous
forme respirable se révèlent clairement cancérogènes dans les tests sur l’animal.
Dose létale (homme) : 0,5 g. Antidotes : agents de chélation, par exemple EDTA, DMPS (Demaval(R))
J’en déduis que l’homéopathie n’est soumise à aucun contrôle qualitatif ni quantitatif selon la scientificité.

La croyance homéopathique consiste à traiter irrationnellement les maux par les mêmes maux : les semblables contre les semblables. Le recours à des sels oxydants, corrosifs et irritants (et cancérigène) contre les maux viraux de gorge, c’est un comble… Pourquoi pas le cyanure pendant qu’on y est ?
Je ne m’oppose pas, en général, aux médecines douces, et habituellement l’homéopathie est sans risques, mais j’estime qu’un sel dangereux (comme dans le cas exposé ici)  n’a absolument pas sa place dans un traitement thérapeutique.

Le dichromate de potassium est un sel que je connais bien, il est utilisé en labo dans les réactions d’oxydo-réduction en milieu acide. Cette substance est manipulée avec précaution à cause de ses propriétés dangereuses.

Mais nous rencontrons un paradoxe : si le produit est en quantité suffisante, sa toxicité pose problème ; mais si le produit est assez dilué, non seulement sa toxicité disparaît (sauf son effet oncogène, une seule molécule peut initier un cancer) mais son efficacité prétendument thérapeutique est remise en question.
Il ne s’agit probablement pas d’un cas isolé, il y a peut-être pire. Par exemple, on pourrait vérifier s’il existe des remèdes comportant du plumbum metallicum (le plomb métallique) ou même hydrargyrum bichloratum (le chlorure de mercure) par exemple.Le plomb et le mercure sont des métaux lourds responsables de troubles très graves. Et là je viens de voir thallium aceticum.  C’est stupéfiant…

Dans un site web douteux que je ne citerai absolument pas, et qui est orienté sur une synthèse bizarre entre l’astrologie et l’homéopathie, je suis tombé sur une de ses pages vantant les mérites d’aurum metallicum, c’est-à-dire de l’or métallique… Tout tourne autour de la symbolique du divin métal, présenté comme un remède miracle contre des maux divers et graves comme les affections cardiaques, les rhumatismes et même pour les dépressions les plus graves avec tendance suicidaire. L’or, présenté comme un roi-soleil, chargé d’une forte symbolique, ce métal banal pour les chimistes, est devenu pour certains esprits obscurantistes une amulette magique. Croire que l’or est curatif est une erreur. Dans la croyance homéopathe, ce ne sont pas les effets empiriques réels de l’or qui sont retenus comme connaissance, mais seulement le symbolisme relatif au métal, conduisant alors à des arguments farfelus comme celui-ci par exemple : vos articulations et vos os sont rouillés, alors pour vous soigner, absorbez de l’or inaltérable, divin et inoxydable !

Voici ce qui se passe quand certains font n’importe quoi :  les charlatans du radium curatif. Si ce lien est mort, voir plutôt ici : https://jpcmanson.wordpress.com/2011/12/04/combattre-le-charlatanisme-et-ses-dangers/

On peut rallonger la liste des substances nocives utilisées en homéopathie, dont un récapitulatif de celles dénoncées dans l’article.

  • kalium bichomicum (dichromate de potassium) : K2Cr2O7 Les sels de chrome sont toxiques et cancérigènes. Le dichromate est un puissant oxydant.
  • plumbum metallicum (plomb métallique) : Pb   Le plomb cause une maladie chronique : le saturnisme
  • hydrargyrum bichloratum (chlorure de mercure I) : HgClLe mercure est un métal très toxique et dangereux, il provoque l’hydrargisme
  • thallium aceticum (acétate de thallium) : TlCH3CO2   Le thallium, métal toxique et mortel, entrait jadis dans la composition de la “mort aux rats”.
  • aurum metallicum  Efficacité à démontrer
  • chromium sulfuricum  (sulfate de chrome) :  Cr2(SO4)3  Soi-disant un produit coupe-faim ou remède anti-torticoli ? Les sels de chrome sont cancérigènes !
  • stannum iodatum (iodate d’étain) :  Sn(IO3)2  Les sels d’étain ne sont pas sans danger.
  • phosphorus (phosphore) :  P   Le phosphore est un métalloïde très toxique et inflammable à l’air.
  • arsenicum (arsenic) :  As   L’arsenic était un médicament à faible dose, il est néanmoins toxique et cancérigène lorsque son usage est chronique.
  • antimonium metallicum (antimoine métallique) :  Sb  Dangers : comme son nom l’indique…
  • uranium nitricum (nitrate d’uranyle) :  UO2(NO3)2   Sel radioactif toxique et éco-toxique. Un “médicament” radioactif c’est un nom qui porte en lui une contradiction inconciliable…

Selon un livre de pharmacie homéopathique dont le titre est “Les métaux en homéopathie”, le titane et le thallium (ce dernier est très toxique) sont présentés comme un remède contre la masturbation (considérée comme une maladie honteuse à l’époque de la sortie du livre). Tandis que le remède contre le cyanure de potassium (mortel) est, pour les homéopathes, le nitrate de cobalt (qui ne vaut guère mieux). Mais en voulant connaître l’année de parution de ce bouquin, moi qui croyait que c’était un livre du XIXe siècle (je suis un habitué d’anciens livres de chimie), je découvre avec stupeur qu’il a été paru en 2006…

À force de combattre les maux par le mal, je ne crois pas que c’est pour notre bien…

© 2011 John Philip C. Manson